"Tu souris, Thurloë. Tu ne sais pas quel vide
Creuse au fond de nos coeurs l'ambition avide !
Comme elle fait braver douleur, travail, péril,
Tout enfin, pour un but qui semble puéril!"
Sincèrement, je n’avais pas réellement
envie d’écrire sur ce chef d’œuvre de la langue française, mais après cinq
cents pages, avais-je le choix? De toute façon, je vous devais bien d'écrire sur quelques classiques pendant les examens finaux!
Donc, le grand Victor Hugo décide au XIXe siècle d'écrire
une pièce historique coupant abruptement avec les idéaux du classicisme et
ouvrant la porte à ceux du romantisme. Pour Hugo, quelle règle
absurde que celle des trois unités! Il revendique un théâtre axé sur le
divertissement du public certes, mais surtout sur son éducation. Alors, tout
bonnement, il decide d’écrire une pièce en mémoire de la clôture de
l’absolutisme en Angleterre. Écrire à propos du Protecteur Olivier Cromwell,
régicide (meurtrier du Roi), ayant atteint la tête du parlement.
Il faut du culot! De plus, les personnages abondent dans cette pièce
(atteignant presque soixante-dix!) et les changements de décors luxueux en fond
une pièce irréalisable. Elle n’a en fait été jouée qu’une seule fois, en
version abrégée d’ailleurs, en 1956.
Portrait d'Olivier Cromwell par Samuel Cooper
Donc, pour décrire la pièce en tant que
telle, c’est une fresque de l’Angleterre du XVIIe siècle mettant en scène le
complot réunissant les républicains et les royalistes contre Cromwell, Lord
Protecteur d’Angleterre (pour une fois qu’ils s’allient, c’est ironiquement
pour commettre un meurtre). Les royalistes lui en veulent pour l’exécution de
Charles Premier, alors que les républicains sont outrés à l’idée que Cromwell
puisse convoiter la couronne d’Angleterre. Cromwell ne se doute aucunement qu’il
est menacé de mort s’il accepte la couronne malgré les nombreux indices sur sa route qui démontrent la face cachée de ces bons chrétiens.
Sincèrement, tous les personnages de cette
pièce sont représentés comme des idiots orgueilleux. Ils seront tous dupés par
leur propre orgueil, sauf Cromwell (malheureusement). Cependant, la seule personne réellement
saine d’esprit, et pleine d’esprit par le fait même, est Francis, la fille de
Cromwell. Elle est présentée comme un rafraichissement au lecteur alors même qu’elle
oblige un pauvre idiot qui la courtisait (tout en se faisant passer pour un homme de Dieu!) à épouser son affreuse gérante. Le moment est si
ironique que j’en ai ri tout haut.
La pièce fait le quatre cinquième de l’œuvre
et, pourtant, c’est son préface qui a marqué l’histoire littéraire. Il est représenté
comme une « image cartographique du voyage poétique » que l’auteur
venait d’achever. Donc, la préface (qui est plutôt une postface) est un manifeste des
idées conçues pendant la conception de l’œuvre. Ce véritable manifeste culturel
et littéraire du romantisme est « assez, très, beaucoup » poétique.
Pour vous faire un topo sans passer par quatre chemins comme l’auteur, il
prescrit de s’inspirer de l’histoire (culturelle et littéraire) sans pour
autant laisser le génie créateur s’entraver de contraintes. Donc, adieu les
règles du classicisme! Bienvenue à l’idée de l’évolution! Non seulement d’un
point de vue sociétaire, mais aussi langagier. En fait, Victor Hugo préconise
le mélange des genres afin de se faire croiser le « sublime » et le « grotesque »
à des fins représentatives du réel. Et seul peut le faire, le genre du drame. Et seul peut le faire l'organisme vivant qu'est la langue française!
Le drame, pour Cromwell, c’est d’avoir tué le roi pour
lui prendre sa couronne, mais ne pas l’obtenir et seulement en rêver. Qui n’a
pas d’aussi beaux rêves sans jamais les réaliser? Qui risque la mort pour
vouloir les atteindre?
Victor Hugo, vieux et beau.
Recommandé…
Si vous avez un travail de Cégep ou d’université
à faire, beaucoup de temps devant vous, et que l’histoire d’Angleterre vous intéresse;
Si vous voulez vous instruire;
Si vous n’êtes pas trop rebutés par les Alexandrins.