Sunday, May 25, 2014

Virginie, Prostituée

« « Salope ». Voilà le nom que j’aurais pu porté. »


J’ai trouvé ce roman en plein milieu d’autres classiques en visitant un sous-sol d’église (pour ceux d’ailleurs : je ne sais pas si ça se fait chez vous, mais au Québec, les gens font le don de leurs objets usagés aux églises catholiques et elles les vendent pour quelques sous, ce qui leur permet majoritairement de survivre parce qu’à la messe, y’a pu grand monde!). Bref, je l’ai trouvé coincé entre Agaguk et La Sagouine et je l’ai pris sans me poser de question.

Virginie, Prostituée ressemble vaguement à Moi, Christiane F., 13 ans, droguée et prostituée (parut en 2000 chez Gallimard) sauf que, bizarrement, l’auteure utilisant le nom de plume Virginie a décidé de se faire publiée aux Éditions Quebecor (en 1979) dans la collection Témoignage vécu… Malheureusement, il n’est plus en publication au Québec, mais en France si! Bref, je suis déçue.

Je suis déçue parce que j’ai été surprise de ma lecture. Stella pourrait facilement utiliser les propos de ce texte pour défendre le métier de la prostitution, mais bon. Au départ, je ne croyais pas aimer ça. Je voulais me « challenger » dans mes moeurs. Virginie m’a surprise : elle ne s’apitoyait pas sur son sort. Elle a commencé à se prostituée à treize ans lors d’une fugue réalisée avec son amie Sylvie. Les deux jeunes sont parties de Montréal pour se rendre à Vancouver. Elles ont facilement pu vivre de leur prostitution à 20$ la « passe ». Ce qui m’a frappée, c’est d’entendre des propos aussi féministes d’une femme de vingt-trois ans (plus jeune que moi!) qui se prostitue de gaieté de cœur, qui est sensible, mais à la fois tellement indépendante.

« De sentir qu’un homme que je n’avais jamais vu vingt minutes auparavant en bave pour moi, qu’il a une envie féroce de mon corps qui s’exhibait pour lui et pour les autres aussi, de sentir qu’il est subjugué ou obnubilé par ma peau, ma surface uniquement, me procure une sensation de pouvoir enivrante. »

Elle raconte les moments importants de sa vie en passant par son enfance difficile avec un père absent et violent, une mère dépendante affective, une sœur « miss parfaite » et un frère trop jeune pour comprendre quoi que ce soit, pour être « utile ». Les figures masculines s’enchaînent dans sa vie sans démontrer aucune profondeur de cœur. Un seul homme la marquera, une seule liaison hétérosexuelle pourtant dépourvue de l'aspect sexuel.

C’est l’histoire d’une femme forte et résiliente, pleine de douceur. D’une enfant qui décide qu’elle ne sera pas comme sa mère, qu’elle ne dépendra pas d’aucun homme. Vous pourriez dire que pourtant, c’est exactement ce que son métier représente. Cependant, elle ne permet pas aux hommes d’abuser d’elle, elle se donne volontairement à eux afin d’en retirer beaucoup plus d’argent en une journée que certains de nous pouvons faire en une semaine; Elle a choisit son métier, son métier ne l’a pas choisie; Elle a réussi à s’absoudre de la menace généralisée de travailler pour un proxénète. Elle travaille pour elle seule. Et, étrangement, elle aime ce qu’elle fait. Elle ne veut pas d’attache et son métier lui donne une bonne excuse. Elle semble si libre alors que je la croyais si asservie...
« Je vois très bien comment toutes les filles du métier qui ont un protecteur se font piéger. Je sais bien que ce n’est pas du même support qu’il s’agit mais c’est toujours la même peur qui motive l’appel ou la soumission aux deux types de protection. La même peur et le même leurre, à savoir qu’une femme seule n’est jamais majeure, que ça lui prend toujours son papa ou l’équivalent à côté d’elle pour qu’elle puisse fonctionner. »
On s’entend que sa vie est loin d’être parfaite et que ce n’est pas ce n'est surtout pas ce qu’elle avance, mais Virginie ouvre une brèche (jeu de mots poche) vers le métier de la prostitution comme aussi étant noble que n’importe quel autre. Elle se pose des questions sur ce qui amène une femme a être trompée, à se sentir trahie, sur ce qui amène un homme à tromper, un couple à essayer un trip à trois, sur les fantasmes, etc.



Une jeune femme de vingt-trois ans, qui ne fait que parler de ce qu’elle connaît, qui se couche sur papier comme une prostituée se couche, mais cette fois c'est une auteure qui prostitue son histoire pour ses lecteurs, mettant en lumière une Virginie qui aime l’humain malgré tout ce qu’elle a pu vivre, qui s’aime et qui s'affirme.

Si vous tombez dessus, lisez-le. Elle en vaut la chandelle selon moi.

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